Corona Tour en sidecar Ural (EP 4)

> source originale sur le forum Est-mortorcycles

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25 aout.

Jour 74 Erofeï, L’Amour Highway.

Départ ce matin de bonne heure pour une étape de presque 500 km. Une piste de quelques kilomètres bien boueuse me ramène sur la route de Vladivostok. Au sortir de la piste, Passepartout et moi sommes couverts de boue. Dans la plaine, un cavalier surveille son troupeau tandis qu’un homme âgé passe devant moi sur un Sidecar Ural qui pourrait être l’arrière grand-père de Passepartout. Je m’engage finalement sur la grand route. Le temps est couvert, il fait frais (9 degrés). L’été semble fini.

Cette route c’est l’Amour Highway, ou la R297, ou la AH30 au choix. Moi je préfère l’Amour Highway. Bien qu’il ne s’agisse pas du noble sentiment mais du 1er fleuve de Sibérie. L’Amour est un fleuve de presque 5000 km qui se jette dans le pacifique après avoir traversé une partie de la Sibérie, servi de frontière avec la Chine et parcouru l’extrême orient russe. C’est le 5ème fleuve d’Asie et si son nom est par hasard l’homonyme du sentiment chanté de tout temps par les poètes, c’est quand même sacrément romantique. Je trouve maintenant ce que décrivent de nombreux voyageurs. Une route infinie, bordée par la forêt et de moins en moins fréquentée. Heureusement, je suis un contemplatif et cela me convient tout à fait.

Je ne croise quasiment personne sur les 100 premiers kilomètres. Au sortir d’un virage, j’aperçois un clocher dont l’or accroche un timide rayon de soleil. Je m’engage sur la piste et vais visiter ce lieu surprenant perdu au milieu du néant vert. Le reste de la route se poursuit entre les pauses dans les cafés dont je vous ai décrit l’archétype et les brèves rencontres. Sur un parking en particulier, un routier s’arrête à côté de moi et avec un grand sourire vient me serrer sur son coeur. Il s’en suit un discours passionné auquel je ne comprends rien. La pluie m’accompagnera sur les 200 derniers kilomètres.

Enfin s’est l’arrivée à Erofeï. Il faut d’abord prendre une piste de 6km particulièrement défoncée. Je m’aperçois alors que mon top case bouge beaucoup. Arrivé à l’hôtel je regarde et comprends qu’un boulon est parti dans les cahots en entraînant la rupture d’une soudure du porte-bagages. Heureusement, l’hôtel dispose d’un genre de garage dans lequel vit un vieille homme. Il y a installé un lit et une télé et avec son vieux chien il occupe l’endroit. Je vais réparer les dégâts comme je peux avant de remonter dans ma chambre. Je pense à la vie de cet homme. Il semble en paix avec le monde.

Et la journée va s’achever sur une note bien étonnante. Artem avec qui j’entretiens des contacts réguliers m’aide à présent à réserver mes hôtels ce dont je lui suis infiniment reconnaissant. Il m’apprend que je suis une « road star ». Un routier de Omsk a raconté à un membre de sa famille que sur la route, les conducteurs de camions parlent de mon voyage entre eux sur leurs CB. Je m’explique à présent l’élan affectueux de celui qui s’est arrêté sur le parking et le selfie qui s’en est suivi! La star c’est surtout Passepartout, en voiture je serais passé totalement inaperçu.

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27 aout

Jour 76 Svobodny, près de la frontière chinoise.

Encore une courte étape (350 km). J’ai tout mon temps et je décolle sans me presser de mon motel. Sur le parking, avant de partir, une gentille famille me demande s’ils peuvent prendre en photo leur bébé sur Passepartout. Bien entendu, j’accepte et tout le monde attend que le petit bout de chou veuille bien regarder l’appareil photo. Un gros chien qui garde le parking semble bien plus l’intéresser que le side-car russe.

Il fait un temps magnifique et si la température est bien descendu, le ciel bleu d’azur se reflète à présent dans les lacs et étangs qui bordent la route. La route elle-même est pratiquement impeccable jusqu’à Svobodny. Que du bonheur! Svobodny est à 25 km à l’ouest de l’Amour Highway. J’ai un moment pensé que ces 25 km se ferait par une piste comme pour les autre villes étapes où je me suis arrêté.

Pas du tout! La route est parfaite et très fréquentée. Je réalise brusquement que cette route mène à la frontière chinoise toute proche. De plus, ce site a longtemps été un site militaire stratégique. Je croise de nombreux convois de l’armée avec chars et camions. A 50 kilomètres, un site de lancement de fusées Soyouz (Vostotchny)a été créé pour limiter la dépendance au Kazakhstan et sa célèbre base de Baïkonour. Quelques lancements ont déjà eu lieu ici. Il y a donc tout pour expliquer une bien meilleure qualité des routes.

J’arrive à Svobodny en début d’après-midi. J’avoue que je commence à ressentir de la fatigue. J’ai parcouru 1900 km en 4 jours depuis Ulan-Ude. La perspective de passer deux nuits et donc un jour de repos au même endroit me fait du bien. Je m’endors un moment dans la chambre avant même de m’être changé. Heureusement ce petit somme est bref et me requinque pour mon petit tour de la ville. Svobodny ne ressemble pas du tout aux autre villes croisées sur la transibérien. Ici on sent la vie et l’activité se déployer avec entrain. Il y a des travaux partout, des grappes de jeunes se retrouvent bruyamment autour des petits centres commerciaux. La circulation est dense. Est-ce la proximité de la Chine? J’ai presque l’impression de retrouver cette vitalité vue en Chine l’année dernière.

 

Si nous sommes à présent dans l’extrême orient russe, les personnes que je croise on franchement le type caucasien. L’épisode de la Bouriatie avec ses habitants de type mongols est bien fini. En flânant je tombe sur un grand bâtiment dont le parc qui semble à l’abandon recèle de vieux matériels ferroviaires et de statues. Je mitraille l’ensemble jusqu’à qu’un garde en uniforme viennent me demander ce que je fais. Comme d’habitude, la discussion tourne court et je finis par lui montrer mes photos. Il sourit et d’un geste m’encourage à poursuivre. Demain il faudra que je découvre quel est ce bâtiment.

 

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29 aout

Jour 78 Arkhara, Andreï, Vladimir, Sergueï et les autres.

Journée de rencontres aujourd’hui. Parti tranquillement vers 9h ce matin après avoir posé pour la photo de la patronne de l’hôtel, je profite de la route. La météo nous avait promis de la pluie et j’avais même couvert Passepartout avec sa bâche. Mais pas du tout! Il fait grand bleu sur les 200 premiers kilomètres. De plus la route est en excellent état. Il n’y a même plus de nids de poules, ni de tronçons non revêtus. On se croirait en France. D’ailleurs le paysage a lui aussi changé pour de vastes étendues de prairies parsemées d’étangs. Par moment, sur ces routes toutes droites je me crois dans la Beauce. Je m’arrête pour voir de plus près une jolie petite chapelle bleue cernée par un monument militaire et un cimetière de plein air comme j’en ai vu déjà beaucoup. Les tombes y sont disposées entre les arbres d’une façon naturelle, sans ordre défini. Il en ressort une impression de sérénité que l’on ne retrouve pas chez nous dans nos cimetières bien fermés et réglés au cordeau.

C’est à l’arrêt déjeuner que je rencontre Andreï qui parle un peu d’anglais. Il vient de Krasnodar au bord de la mer noire. Il a déjà fait 8500 km sur sa Kawasaki et il se dirige vers Vladivostok. Il m’apprend qu’il enverra sa moto par le train pour le retour. Il l’a déjà fait et c’est facile. Un routier vient se mêler à la conversation. Lui vient du Baïkal. Nous nous séparons avec force saluts et poignées de main. Ici le virus semble très loin.

Je vais retrouver Andreï un peu plus loin. Il s’est arrêté devant un imposant monument construit en l’honneur de la route Moscou-Vladivostok. Il y à beaucoup de monde qui s’arrête ici. Tous se prennent en photo. L’endroit est connu, il symbolise cette route de plus de 9000 kilomètres. Deux bikers russes discutent avec Andreï. Il y Vladimir et sa KTM et Vassili avec sa femme et leur Honda. Ils me font un accueil chaleureux et colle sur Passepartout le badge de leur club. Vladimir est de Moscou. Il a envoyé sa moto par le transibérien à Vladivostok et il rentre par la route. Vassili est de Rostov-sur-le-Don il a fait de même. Ils me donnent des tas de contacts à Vladivostok pour organiser un transport de Passepartout par le train si je choisi cette solution. Je reste un moment devant ce monument car d’autres personnes m’interpellent et quelques unes parlent anglais. Notamment un cadre de Caterpillar qui déménage avec son fils de Novossibirsk à Khabarovsk par la route. Sacré Passepartout! Il se fait quand même sacrément remarquer.

Le temps à changé et le ciel commence à se couvrir. Plusieurs personnes me parlent d’une tempête à venir sur Vladivostok. Yuri m’avait déjà prévenu. Il va falloir suivre ça de plus près. J’arrive finalement à Arkhara. Le bourg semble désert. Il y a peu à voir. Le wifi de l’hôtel ne fonctionne pas. Il commence à pleuvoir. Je me retire dans ma chambre. Demain une longue étape m’attend (470 km) et la météo prévoit encore de la pluie.

 

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1er Septembre

Jour 79 Khabarovsk, pluie, boue et Amour.

Il a plu toute la nuit comme prévu. Quand je repars d’Arkhara, il pleut encore et cette pluie va m’accompagner jusqu’à Khabarovsk à 460 km de là. C’est une pluie fine qui se renforce par intermittence mais rien de bien méchant. Mon équipement de base tient le coup sans que j’ai à sortir la combinaison étanche. La route s’est fortement dégradée et de long tronçons sont en travaux, ils ont perdu leur bitume et la pluie les a transformés en pistes de boue. Le problème c’est que les nids de poules étant remplis d’eau, on ne peut en apprécier la profondeur et comme ils sont trop nombreux pour les éviter tous, je dois conduire lentement pour préserver Passepartout. Du coup de gros 4×4 me doublent en nous couvrant de boue de la tête aux pieds pour moi et du guidon aux pneus pour Passepartout.

Notre arrivée sur l’aire de service ne passe pas inaperçu mais j’y gagne la sympathie de tout le monde. Photos, brèves discussions et déjeuner vite servi par une charmante dame qui me lance de grands sourires et des « bon appétit » en français. J’ai beau voyager sur cette route depuis un bon mois, je ne cesse de m’étonner de l’accueil chaleureux des russe à mon égard. Pas une fois, je n’ai senti de l’hostilité. Beaucoup m’avait mis en garde avant ce voyage. Peut-être ai-je de la chance, peut-être suis-je au bon moment au bon endroit, je n’en sais rien mais je savoure cela et j’en suis gré à je ne sais quel gardien qui me tient au milieu de ce chemin de vie, de cette route de l’immensité.

L’arrivée à Khabarovsk se fait par un imposant pont sur l’Amour. J’ai longé ce fleuve de puis des centaines de kilomètres sans le voir. Il est là à présent, large, majestueux d’un gris métallique brillant sous le ciel de pluie. Je l’enjambe, après un passage obligé au « car wash » du coin sui s’appelle Sasha. Je rentre dans la ville. Tout de suite, j’apprécie. Elle est belle, avec ses rues en pente et ses petites maisons colorées, elle me fait penser à San-Francisco. J’arrive tard et j’ai repris encore une heure de décalage, cela fait 8 heures de différence avec Paris. Du coup il est 20 heures. J’hésite à sortir faire un tour, la journée a été bien remplie. Finalement je pars pour un petit tour de pâté de maison. Je vais me faire happé par cette ville jeune et bouillonnante. J’irai jusqu’au belvédère sur l’Amour. Je croiserai monuments et églises. Demain, j’ai pris la journée pour faire plus ample connaissance avec la belle Khabarovsk. Entre elle et moi il y a déjà l’Amour.

 

 

 

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